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Bonne fête

Il fallait traduire aux gens. Diche c’est la douche, et carotte c’est la couleur orange. Maman, je peux mettre mon tee shirt carotte aujourd’hui ?

Pendant un moment, je ne l’ai pas corrigé.

Les enfants ont ça et ça fait 7 ans qu’on baigne dedans, un mélange de candeur et de logique qui n’appartient qu’à eux. Vrais, purs.

Cette pureté bave, elle porte des couches et a le nez qui coule. On l’essuie avec nos doigts et on les frotte sur le jean, on dit c’est pas grave, on le lavera. Cette pureté exhibe ses crottes de nez, tousse comme une vielle bagnole, peint avec ses mains et saute sur le canapé, elle ramasse les plumes des pigeons sous mes cris de dégoût, laisse des petits insectes aux antennes frétillantes lui escalader les bras, même qu’elle aime ça. Elle partage sa glace avec son chat et mange la mousse du bain comme de la barbe à papa.

L’amour inconditionnel c’est quand il y a des êtres qu’on aime comme personne. Rien ne nous rebute en eux, jamais, au contraire, tout est devenu sacré, l’odeur, la peau, la voix, les cheveux, le rire, le fond des yeux.

C’est fou de se dire qu’on les a fabriqués, que leur âme est comme neuve et leur cœur plein à craquer, distribution d’amour, allez-y messieurs-dames, ici on sert de l’amour frais. Il guérit un peu vos histoires de grands, ces histoires à la con souvent.

Ils sont purs parce que la vie ne les a pas abîmés, on le sait, on voudrait que ça ne change jamais.

Aimer si fort qu’on prierait chaque soir, pour que leur vie soit douce, pour qu’ils grandissent heureux, pour que le destin leur soit favorable. Pour qu’ils ne soient jamais, trop abîmés. On regarde les étoiles et on dit merci. Quand on souffle sur nos bougies, quand tombe un cil sur notre joue, quand on voit une coccinelle, quand on tire sur le wishbone, à chaque fois qu’il faut faire un vœu, c’est ça qu’on demande, pas vrai ? Qu’ils aillent bien.

Bonne fête à toutes les mamans qui traduisent les mots inventés, qui essuient la morve avec les doigts et qui la mette sur leur jean parce que c’est pas grave, on lavera, et qui pensent à eux quand elles regardent les étoiles.

Parce que le monde est absurde parfois, mais un peu moins, depuis qu’ils sont là.


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