C’est un peu du même ressort que mon problème de mouchoirs. Vous savez bien. Je suis le type de personne qui est toujours en retard, et n’a jamais de mouchoirs. Une pile de linge infinie, des trucs cachés à la va-vite dans les tiroirs quand elle reçoit, des vieux tickets de métro plein les poches, des papiers qui ne servent à rien que je continue de trimballer dans mes sacs et des choses plus importantes constamment égarées. Ma vie est souvent toute dérangée. Pourtant j’essaie, je me fais violence depuis qu’ils sont nés, je devrais être responsable, je suis maman maintenant, c’est l’apothéose de l’âge adulte, d’avoir un enfant. Ça continue parfois, y a plus de jus alors je propose une compote au p’tit dej, et puis les chaussettes jamais assorties, et le dentifrice qu’on presse et qu’on roule, et la pochette de la coopérative de l’école qui attend désespérément dans l’entrée, mais qui en 2021 se sert encore d’un chéquier ? Ce matin il était 8h08 quand j’ai déboulé dans leur chambre en catastrophe, douze minutes plus tard ils étaient prêts à courir avec leur sac trop grand pour leur dos, un peu ensommeillés, un peu essoufflés, et j’étais tellement désolée, et je leur promettais tout, l’apéro, le coca, les pistaches, bien sûr les salées, bien sûr qu’elles seront faciles à décortiquer, dites-moi que ça va, on fera des hot-dogs si vous voulez, dépêchez-vous, au fait, vous me pardonnez ? Ce soir ils avaient oublié. Sauf Neva qui s’est vantée d’avoir ridé sa trottinette en « vitesse lumière » et sauf pour le coca. Ils étaient heureux, souriants, contents. Les enfants pardonnent tout, parce qu’ils oublient tout ce qui n’est pas important. Tant pis pour les mouchoirs et les tiroirs, on dira que c’était pas si grave, on mettra beaucoup de ketchup sur les saucisses herta qui sont toujours un peu degueu quand même, et puis on trinquera, aux réveils ratés, aux adultes qui sont loin d’être parfaits mais qui achètent des pistaches pour se rattraper, et au joyeux bordel qui rend la vie plus belle.
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