Il y avait un truc, quelque chose d’un peu extraordinaire, dans cette vie qui défilait sous mes yeux impuissants. Le souvenir, les promesses qu’on s’était faites il y a quatre ans, les rêves qui s’étaient égarés. « D’ici là vous aurez une maison », « Toi t’auras sûrement deux enfants ». Tout un destin, écrit avec soin, dans une encre dont on ne s’était même pas demandé si elle s’effaçait. Dessiné, consciencieusement, sagement. Tristement.
Il y avait bien quelque chose d’extraordinaire oui, au milieu de nos cartons d’appartement désoeuvrés, des fantasmes avortés et de cette vie qu’on avait voulu écrire à l’avance. Il y avait notre amitié en fer forgé et il restait les fous rires, même pendant le pire. On avait escaladé nos propres embûches et on s’était regardées, les unes et les autres, avec le genre de petit sourire désolé qui essaie de donner du courage à défaut de pouvoir prendre le mal. Les mois sont passés en bouleversant l’ordre de nos mondes, et je vois les photos défiler sur mon cloud, c’est fou cette naïveté, à croire que plus on est ignorant, plus on se croit invincible.
C’est comme si on avait eu plusieurs vies, et c’est peut-être le cas d’ailleurs, mais ensemble, toujours. Le plus beau c’était surtout ça.
On atterrissait là, des années plus tard, un tas de cendres à remuer, avec des centaines d’étincelles dedans, et puis un paquet de photos, bien rangées par date et tout, qui sentent le bon vieux temps. On a compris qu’on ne savait rien, que la vie était plus jolie quand on avait choisi de ne rien écrire et de la laisser danser avec nous comme un sac plastique pris dans un coup de vent.
Que tout irait bien tant qu’on continuerait de se regarder de loin avec un clin d’oeil qui dirait, vas-y, vis, au pire on est là tu sais. Alors j’ai rangé, de 2017 à 2020, c’était juste une histoire de stockage à la base, et puis j’ai souris, à la pensée que le bon vieux temps, celui qui émergera demain, se jouait sûrement maintenant, sous leur regard bienveillant. La vie peut hasarder et le sac s’envoler, il y a leur petit sourire confiant. Avec vous mes amies, je n’ai plus peur du vent.
