On a dormi ensemble bien trop de fois dans la semaine que ce que les psy auraient recommandé. Ça compense. La nuit le silence compense souvent pour les jours qui sont trop bruyants. Il n’y a jamais assez de fous rires, mais il y a les soupirs, les cris, le coin où je ne les envoie plus, les chocolats que je menace de confisquer, les devoirs que je ne sais pas expliquer, la télé qui tourne et rend sourd, les mails que je ne relève pas, on verra plus tard, quand ils ne seront plus avec moi. L’un des avantages de la garde alternée c’est que le temps passé avec eux n’est plus jamais acquis, il est compté, chéri, honoré. Chaque semaine, ils reviennent agiter cette maison lisse et aseptisée. Ils l’irritent un peu, ça rougit, ça chauffe, ça égratigne, mais surtout ça vit. Il faut s’adapter. Tous les 7 jours, passer du calme égoïste au dévouement absolu. Alors quand les jours sont trop intenses, la nuit le silence compense. Comme un baume, à étaler soigneusement, en couche épaisse. On répare, on recharge.
Le soir quand on se couche tous les trois, j’attends que leur respiration se fasse plus régulière, que leurs jambes cessent de chasser la couverture, vous allez avoir froid, j’attends qu’ils s’endorment et je la remets, à chaque fois. Je regarde des films sur mon portable, je mets le son au plus bas et j’ai des crampes au bras, mais ils sont là, collés, et moi quand je sens leur peau tiède qui touche la mienne je recharge, l’énergie, la patience qui s’épuise et l’amour qui déborde, toujours. Quand j’éteins tout, souvent trop tard, le sommeil qui pointait pourtant dès l’après-midi a disparu. C’est toujours quand ils dorment que je crève de les réveiller. La vie est tellement ironique. Ce soir la maison est silencieuse, endormie, un peu figée. Et pour toujours de conclure la même formule dans ma tête : c’est beau quand ça dort, c’est mieux quand ça vit.
