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Les ainés

Je voudrais écrire sur son grain de beauté au bras gauche, la tache de naissance qui s’est effacée de sa paupière et qui ne réapparaît que quand il pleure, ses incroyables cheveux, ses doigts tranquilles, ses ongles qui se cassent parfois et qu’il ne voit même pas tellement il est zen, il pourrait rester comme ça, avec le bord blanc ébréché ou dressé comme une griffe, ça lui est bien égal, tant que les petites pièces de lego s’y soumettent. Aaron m’apprend à jouer aux échecs, aime les pirates et mets toujours de la cannelle sur ses quartiers de pomme. Aaron n’aime pas l’idée qu’on puisse être en retard à l’école, alors il redemande l’heure plusieurs fois et parfois je mens pour le rassurer, je mens et j’accélère le pas, discrètement.

Aaron est l’aîné, je trouve que c’est toujours plus difficile pour les premiers, ils ont connu l’amour inconditionnel puis la concurrence, et en même temps ils peuvent se vanter d’une chose, au moins une que personne ne pourra jamais leur voler : ils sont un monde à eux tous seuls. Un monde qui se serait ouvert le jour de leur anniversaire, comme sorti des eaux, flottant et scintillant, inédit, petit miracle ambulant.

Ce monde nouveau est à eux, il porte leur prénom et il sent leur odeur. Ils ont ça, les ainés, on les regarde, eux et leurs pas de géants, et on n’oublie jamais, comme d’un seul cri, ils ont pu faire tomber le monde d’avant.




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