top of page

Avant 18h, au rayon traiteur

C'est une allée froide, dans les rayons du monoprix côté traiteur, on fait la queue, il est 17h21 et souvent on se reprend à regarder nos montres, le couvre-feu approche, tic-tac tic-tac, il y a des autocollants sur le carrelage beige passé, prière de ne pas trop vous coller, et pourtant elle me colle un peu, la dame aux cheveux argentés derrière moi, elle a déjà tenté de me passer devant et puis elle a vu mon regard noir derrière le masque, elle s'est reculée d'un pas, et depuis elle trépigne. Elle s'approche, je la sens dans mon dos, je ne dis rien mais ça m'agace à la fin, les distanciations, elle connaît, qu'elle s'éloigne bordel, et puis y a cette autre dame qui se fout devant moi sortie de nulle part, à qui le tour, et moi de m’imposer, c'est à moi, bonsoir. Je me suis manifestée, pas le temps, et puis vous faîtes chier j'étais là avant, mais elles me sourient, alors je me radoucis, je souris aussi. Et puis elles se mettent à causer toutes les deux, notamment du fait qu’elles ne savaient pas dans quel sens démarrait la queue. Oh vous savez, moi j'ai tout mon temps, de toute façon on sera tous chez nous à 18h00, haha, vous avez raison, vous savez je ne suis pas pressée moi non plus, eh non, je suis retraitée et il n'y a personne qui m'attend, ah...bon... vous êtes toute seule ? Eh oui, c'est un peu triste, mais c'est comme ça vous savez, c'est la vie, mes enfants sont loin, mes petits-enfants sont loin, je suis seule, alors allez-y ne vous en faites pas, elle a dit dans un petit sourire qui se voulait pourtant rassurant.

Je suis repartie avec mon sachet à la con, je me suis demandé, que va-t-elle diner, cette dame aux cheveux argentés, un roulé au fromage vite acheté avant dix-huit heures au rayon traiteur, avec une salade verte peut-être et une vinaigrette à la moutarde. J'ai regretté mon empressement et je me suis dis plein de choses. J’ai pensé à son téléphone, est ce qu’il sonne souvent ? J’ai imaginé la vie de ses enfants, sa solitude et je me suis dis que le plus beau cadeau de la vie, c'était peut être de rentrer à 18h00, juste avant le couvre-feu, et de savoir qu'il y a quelqu'un là, qui nous attend.



Comments


bottom of page