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Mer d'huile

Je me souviens de la première nuit que j’ai passée ici, c’était vide, même la cuisine, j’avais un matelas gonflable et des draps à fleurs pour mettre du baume au cœur, du Nescafé soluble degueulasse parce que c’était mieux que rien du tout, et surtout j’ai eu peur. La nuit en m’endormant j’ai trouvé que la vie était terrifiante, j’avais vogué sur une mer d’huile et je me retrouvais dans des torrents, tout m’était étranger, surtout de ne pas être constamment avec mes enfants. C’était comme si on m’avait arraché un bras et qu’il me démangeait encore, mes enfants sont mes membres fantômes, leur absence est irrationnelle. Ça fait deux ans maintenant. Cette vue ne sera plus jamais la même, il y a des craies, du linge mal plié, des playmobil échoués, des déguisements, il y a le bazar de leur vie, notre vie, cette vie qui ne fait plus peur et qui est devenue jolie. Je n’ai plus jamais retrouvé la mer d’huile et elle me manque parfois. Mais ça navigue quand même, tout seul, sans rame. C’est bien aussi, les vagues. On dira que ça fait vibrer l’âme.




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